Une situation politique tendue à Vienne

Lucy Schneider suit l'actualité : le chef du parti nazi autrichien Seyss-Inquart (ici avec Hitler) va succéder au chancelier Schuschnigg.

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Mi-février 1938, la situation politique est tendue à Vienne. Lucy écrit :

Il y avait dimanche passé, comme vous le savez, le fameux discours d’Hitler, diffusé par radio et qu’une masse de gens ont écouté naturellement.(...) Dimanche soir, des hordes de hurleurs parcouraient les rues en braillant "Heil Hitler". (...) Jeudi toute la ville était décorée à cause du discours de Schuschnigg. J’en ai entendu une partie, il était vraiment épatant ! Les gens ont parcouru les rues en criant "Heil Schuschnigg". Ils ont l’air beaucoup plus forts que les nazis ! 

On connaît la suite : Schuschnigg annonce un référendum. Hitler n’en veut pas. Seyss-Inquart devient chancelier et fait appel aux troupes allemandes. Le 12 mars Hitler proclame l’Anschluss. Voilà comment Lucy transcrit les faits le 11 mars 1938 :

Tout le monde est nerveux ici. Les événements politiques se précipitent à tel point qu’on vient de nous annoncer que les Allemands sont en route pour Vienne. A la minute où je vous écris, retentit sur la rue le Siegeslied des nazis. Toute cette semaine les manifestations ont augmenté. Chaque jour l’agitation augmente. Depuis samedi passé il est permis de porter les insignes nazis et de se saluer à la hitlérienne. Aujourd’hui toute la journée on sentait que quelque chose se préparait. Le Front National fait une propagande intense. Des avions lancent continuellement des feuilles volantes pour l’Autriche. Le vote pour ou contre qui devait avoir lieu dimanche vient d’être renvoyé. D’autre part je viens d’entendre que Schuschnigg a démissionné. Est-ce vrai ou non, je n'en sais rien, je crois que oui. (...)

Je viens d’aller faire en ville un tour avec [illisible]. Il est 10h ½. Les rues sont encore pleines. Les hurlements ne cessent pas. Vous auriez dû voir la place de l’Opéra ! Il y a eu grand défilé avec croix gammées et flambeaux ou torches. Il y avait une telle foule hurlante amassée par là, que nous n’avons pas pu voir grand chose. Les journaux ont déjà publié leur 2e édition spéciale qui est déjà écrite par le ministre allemand. J’ai une peine extraordinaire à croire que je suis maintenant en Allemagne. Tous hurlent “Sieg Heil” etc. Je me demande si ça va durer toute la nuit. On le croirait.

Savez-vous que tous ces zélés nazis me regardent du coin de l’œil à cause de mon beau nez juif ! J’ai entendu quelques remarques me concernant déjà. C’est pourquoi, dès demain, je ne circulerai plus sans mon passeport. Excusez cette lettre sans queue ni tête. Vous comprendrez qu’on soit un peu excités. Demain matin, les Allemands seront déjà ici. (...)

Je vous écrirai la suite des événements. On doit être préparés à tout maintenant. Mais en tout cas, ne vous faites aucun souci à cause de moi. Je ne risque rien ; les manifestations s’en sont bornées à des cris, des cortèges, etc. mais aucun coup de feu n’a été entendu, et c’est beaucoup.