Une société où l'automobile est déjà reine

La belle-soeur de Jean et Yvonne, Inès, a appris à conduire : ce qui paraît être un événement à Neuchâtel passerait inaperçu à Wauchula !

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29 juillet 1923 (Yvonne et Jean)

(…) Mes félicitations à Inès pour son automobile et ses prouesses. Nous n’avons pu nous empêcher de rire en lisant les craintes de chacun à accepter l’invitation d’Inès. Ici personne n’hésite à confier sa vie au premier gamin venu, chacun conduit, même des fillettes de 10 à 12 ans, et les accidents sont bien rares. Il n’y a guère que nous qui soyons incapables de diriger une auto, mais cela viendra. Ici la marche est inconnue, si par hasard tu fais quelques pas pour te dérouiller, chaque auto te dépassant s’arrête pour recueillir ce pauvre diable qui doit marcher. Il est vrai d’ajouter que la marche sur ces routes sablonneuses est pénible, rendue plus désagréable encore par la fréquence des véhicules. Les sentiers sont inconnus et les serpents rendent une promenade dans la brousse peu intéressante. C’est un genre totalement différent de chez nous ; il semble que les enfants naissent avec une auto au « derrière », pour un déplacement de 5 minutes la plupart sortent leur auto, devant chaque église tu en vois stationner plusieurs le dimanche matin ; devant les bureaux, les magasins, le samedi soir surtout, la rue principale de Wauchula en est encombrée et pourtant elles sont rangées obliquement par rapport au trottoir et non parallèlement comme chez nous. Tout cet alignement forme une vaste galerie, où les gens se prélassent regardant les magasins et les piétons qui font le « Podium ». – Chez nous un village évoque quelque chose de tranquille, reposant, ici les villages n’existent plus, ce sont de suite des villes avec un trafic incessant plus grand que celui de la rue Léopold-Robert. Le jeudi, jour du match de base-ball (interdit le dimanche), les autos s’alignent le long du champ de jeu et de leurs bancs les gens assistent aux péripéties, soulignant de violents coups de cornettes les beaux coups, arrivant ainsi à centupler le bruit de nos modestes applaudissements européens. (…)

P.S. Savez-vous que le 1er juillet à midi les contingents (pour 1923 à 24) des immigrants de plusieurs pays d’Europe étaient déjà atteints et que des milliers ont dû retourner, c’est effrayant, nous avons été vraiment chanceux. La Suisse était du nombre des Etats au contingent rempli dès les tous premiers jours et ne pourra plus envoyer aucun émigrant jusqu’en juillet 1924. (…)