"Quelquefois j’ai bien l’ennui en pensant à tous ceux de la Suisse, si loin."

Image ci-dessous : la ferme d'Angèle Nussbaum aux Maillards sur Pouillerel, à l'époque où Berthe lui écrit.

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7 janvier 1936


Ma chère cousine,

Comme tu peux penser, ta si chère et bonne lettre a été de la joie pour moi. (…) Ta belle photo m’a fait un immense plaisir. Que ces enfants ont changé et dire que je ne suis pas allée une fois vers toi enfin c’est comme ça. Tu diras à Willy qu’il a fait effet à Violette laquelle lui dit de venir la voir. Elle dit eh bien maman celui-là je l’aime. Tu parles si on rit. Tu sais elle aura 19 ans cette année et une gaillarde aime la campagne mais n’aimerait pas aller en Suisse. Je te promets qu’elle est gaie. Ce n’est pas les amoureux qui lui manquent mais elle ne s’en fait pas. Il y en a trop de ses amies qui sont mariées et bien dans la misère voilà 5 ans que les récoltes ne donnent plus. (…)
J’espère que ma lettre vous trouve tous bien. Pour ici tous allons bien. Moi j’ai eu une secouée du foie avant Noël ça reva. L’hiver n’est pas trop froid on le supporte bien. Aujourd’hui un temps idéal. Les enfants sont allés avec leur cheval et un toboggan voir leurs trappes ici il y a toutes sortes d’animaux sauvages. Nous avons 9 loups bientôt bons à tuer. Ça bouffe je te le dis.
Et puis que dites-vous des affaires comme cela va mal partout. Et cette guerre en Ethiopie ce n’est pas le rêve quelle tristesse on dirait que pour s’arranger il faut la guerre pas vrai Angèle. Quel fou ce Mussolini.
(…)
Nous nous écrivons toujours avec chez Loulou et Albert. Quand ils viennent l’été en visite nous parlons toujours de tous les Nussbaum et de cousine Angèle on a eu du bien beau temps là-haut à Pouillerel et à ces Maillards tous ces souvenirs ne s’oublient pas.
Je vais te dire que je suis si heureuse l’ami à mon mari nous a apporté son (sic) radio quelle distraction surtout que je ne sors pas. On passe des heures surtout au soir à écouter. Il y a les nouvelles de tout l’univers.
En avez-vous chez toi cela serait un passe-temps aussi (…).
Si tu veux, je t’écrirai en anglais il fait beau savoir 2 langues. Mon mari en cause 4 les enfants rient de l’entendre (…). Tu sais nous avons un journal pour les fermiers et une page spéciale pour les femmes. On peut écrire ce qu’on veut. J’en ai écrit une et depuis chaque jour de poste je reçois une lettre presque toutes de Suissesses on a bien du plaisir une qui a 20 ans qui est par ici vient de Bienne. Il y a aussi pour la cuisine toutes sortes de recettes, tout ça intéresse. Est-ce que tu lis Angèle ? Chez Charli m’envoie les journaux du Locle ce qui m’intéresse. Tu sais les nouvelles de son coin cela fait plaisir.
Je devais recevoir le linge mais rien encore ne sais ce qu’ils foutent pas là.
As-tu des fleurs de maison ? Ici j’en ai à toutes les fenêtres il faut faire attention au frisquet des nuits.
Nous allons bientôt scier le bois sont en train de le couper il y a toujours de quoi à faire avec les fermes je pense que tu tricotes. Ici la plupart des femmes filent et de la belle laine de mouton c’est un travail fou (…) moi je n’ai pas le temps c’est mon fourneau qui me tient occupée. Toujours du monde… (…)
Quelquefois j’ai bien l’ennui en pensant à tous ceux de la Suisse, si loin. Bien ma chère Angèle à une autre fois (…).