Création de la Société de sauvetage du Bas-Lac

Tragédie sur le lac

< Page précédente    ·    Table des matères    ·   Page suivante >

1934

Il y avait beaucoup d'orages cette année là et malheureusement les 20, 21 et 22 août, le matin il y a eu des brouillards très épais et les après-midis étaient très chauds, on étouffait, on transpirait, on devait se mettre en costume de bain.

Nous les vieux pêcheurs nous savons bien ce que cela veut dire.

Le temps était menaçant depuis 2 jours le baromètre était très bas et le 23 août cela faisait 3 jours après les mauvais brouillards, le temps est devenu très sombre, tout noir. Il commençait de tonner dans le lointain, ça s'arrêtait et ça recommençait toutes les heures.

Les pêcheurs hésitaient de partir à 4 heures de l'après-midi je voyais que ça allait venir, j'ai mis tous mes filets qui étaient pendus à l'abri. Je suis allé mettre mon bateau au port en lieu sûr, j'étais en caleçon de bain tellement il faisait chaud.

Là au port il y avait assis sur le mur du port, Albert Scheidegger et Riquet Virchaud qui avaient envie de partir à la gambe ensemble et aussi René Ducommun, ils mouraient d'envie pour partir parce que ça mordait bien tous les jours. J'ai passé vers eux, ils m'ont demandé ce que je pensais du temps. je leur ai dit n'y allez pas, il va venir un temps épouvantable.

Le temps devenait toujours plus noir je suis arrivé à ma barraque de pêche 200 mètres plus loin et je les vois qui partaient à 2 rameurs et Ducommun avec sa petite loquette de une place.

J'ai pensé: ces imbéciles ne m'ont pas écouté.

Ils étaient les 2 bateaux à 1 kilomèetre en avant d'Hauterive quand le joran en furie est arrivé, l'eau volait contre la pointe de Marin mais Scheidegger et Virchaud ont essayé d'atteindre le port d'Hauterive pour téléphoner à sa femme au plus vite. Ils ramaient les deux très fort mais ils n'avançaient pas et pour finir ils reculaient; voyant ça le père Edouard Sandoz partait à leur secours avec Richter de Champréveyres et Charles Sandoz, ils avaient deux motogodilles à leur bateau pour être plus sûrs mais voyant qu'il ne pouvait rien faire de bon, il a dû venir échouer à St.-Blaise, le joron les  même empêchés d'entrer dans le port, le joran a les a poussés sur la grève.

Voyant qu'ils étaient perdus Scheidegger s'est approché du piquet le Signal il a lancé sa chaîne en arrière du bateau autour du piquet et, au bout de la chaîne il y avait une pierre ronde avec une boucle.

Quelques vagues seulement ont rempli le bateau par l'arrière et il a crié: On est foutus! C'est Virchaud qui a dit cette parole après son sauvetage.

L'eau des vagues volait à deux mètres de hauteur, on ne les voyait plus par moments.

Ducommun avait pu atteindre les roseaux de la pointe de Marin. Au bout de 20 minutes on voyait le bateau retrourné avec Riquet Virchaud à plat ventre sur le fond du bateau qui était déjà à 1 km plus loin que le piquet, le joran ayant un peu faiblit. C'est Henri Jeanrenaud qui voyait très bien le naufrage depuis la haut des falaises de Marin, il s'est lancé avec son frère au sauvetage et il a pu sauver Henri Virchaud.

Ce bateau plat était trop petit il n'était pas fait pour le mauvais temps.

Trois jours après tous les propriétaires de bateaux étaient sur place pour les recherches parce que les noyés remontent à fleur d'eau, les poumons dégagent des gaz et ces gaz sortent par le nez et la bouche pendant quelques heures seulement, le noyé est tourné la face contre le fond du lac, le dos fait flotter le noyé et la tête est à rase [sic] de l'eau.

J'étais tout près quand Pagani a crié le voilà on voyait seulement le dessus de la tête, un petit rond noir chevelu.

Le 3ème jour nous avons retrouvé Albert Scheidegger juste en face du port de Marin il était à 1 kilomètre du lieu du naufrage.

C'est depuis ce jour que Henri Jeanrenaud et tous les vieux pêcheurs à la traîne ont fondé la Société de sauvetage du Bas-Lac. 

Remarque: le site http://www.sauvetage-st-blaise.ch/archives.html mentionne d'autres épisodes de ce tragique dimanche. d'août 1934.

< Page précédente    ·    Table des matères    ·   Page suivante >