L'enseignement universitaire

Paul Baillod s'est inscrit à l'Université technique de Dresde.

Dresde, 3 mai 1906


Ma chère famille,

(…) J’ai déjà suivi quelques cours à la Hochschule. (…) J’ai un énorme plaisir (…) quoique aussi beaucoup de peine. Je me trouve ainsi lancé dans une foule d’expressions techniques qui me laissent perplexes et il est difficile de prendre des notes qui se relient bien entre elles et mettent en relief tous les points importants.

Le professeur de droit administratif parle mal, vite, et ne répète pas. J’ai beaucoup de peine à le suivre. Pour le moment il nous décrit les autorités de Saxe et leurs attributions, qui sont extraordinairement compliquées. Il se meut très à l’aise là-dedans, mais moi beaucoup moins, car il y a plusieurs mots qui me sont inconnus et pendant que je cherche leur signification, il a déjà lu quelques phrases.

Celui de politique industrielle et commerciale est un brillant causeur, très calé, connaissant bien son sujet, mais se fiant un peu trop sur sa facilité. Il ne se prépare pas assez, arrive avec une multitude de petits papiers en désordre et doit chercher longtemps pour en extraire les chiffres qu’il nous donne. Il nous parle des grandes industries allemandes, de leurs rapports avec celles des autres pays, de leur chance de développement, de leur histoire, avec statistiques à l’appui etc. C’est très intéressant, mais un certain manque de plan, m’empêche d’avoir mes notes aussi en ordre que je le désire.

Le professeur de psychologie Schultze est par contre idéal. C’est un vieil érudit, qui a écrit plusieurs livres estimés sur la philosophie et ses branches principales. Il a beaucoup de méthode dans ses cours. Tout est exactement divisé, il parle épatamment, répète les mêmes choses sous d’autres formes, cite des exemples à l’appui et quand il a traité un point, fait un résumé graphique au tableau. Il est d’une clarté extraordinaire. Je le comprends presque comme un professeur français et mes notes sont faciles à prendre et forment un solide ensemble. J’ai plus de plaisir avec lui qu’avec tous les autres ensemble et il nous fait souvent de si belles déductions que c’en est à crier d’admiration. Nous traitons pour le moment de la différence entre sensation et sentiment. C’est tout ce qu’il y a d’intéressant. (…)