La vie sociale dans l'Allemagne de Guillaume II

Une fête populaire de Dresde : la Vogelmesse

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Dresde, le 31 juillet 1906

Ma chère famille, (…)

Je vous ai envoyé une carte de la Vogelmesse. C’est la fête la plus populaire de Dresde. Elle date de 1456 et a fini par absorber toutes les autres fêtes similaires. Elle dure 8 jours et les pauvres gens économisent toute l’année, à partir de Noël pour fêter dignement la Vogelwiese où ils dépensent leur dernier argent. L’oiseau dessiné sur la carte est la représentation exacte d’un grand oiseau en bois perché à environ 30 mètres du sol sur l’emplacement de la fête. Il se démonte facilement et est destiné à être tiré à l’arbalète comme au Moyen Age. C’est le roi qui tire le premier coup, puis son frère, sa sœur, ses enfants, etc. Toute la Cour y passe, et ce n’est que quand la Cour a fini, que les membres d’une société de tir ont le droit de venir à leur tour essayer leur adresse. C’est hier après-midi qu’en l’absence du roi, en villégiature au Tyrol, son frère a ouvert les feux. Le public était considérable pour voir les exploits du prince.

La Vogelwiese est une immense foire, un rendez-vous d’attractions les plus diverses. Vous y rencontrez des carrousels de toutes formes, avec chevaux, navires ou automobiles ; des tirs en masse, avec ou sans prix, des cinématographes, un hippodrome, des chanteurs et musiciens les plus divers, des figures de cire, des ateliers de photographies instantanées, un couple de géants, une femme tatouée, une diseuse de bonne aventure, des restaurants en masse, des loteries (…), des pâtisseries, des verres de Bohême ou même du poisson.

C’est une vraie orgie de cris, de rires, de musiques et de bière. La pension y était dimanche, moi j’y suis allé hier. J’ai tiré dans plusieurs tirs différents, mais on n’a de prix que si l’on attrape à 3 mètres un rond grand comme celui que je vous dessine et cela encore 2 fois de suite. Je suis parvenu presque toujours dans le cercle pointillé et une seule fois dans le centre. Par contre à une autre place j’ai abattu à 5 mètres, 12 pipes en 12 coups de sorte que la patronne ébahie m’a dit « Vous tirez comme un Suisse. » ce qui était d’une vérité incontestable. Puis je suis entré dans le principal « Sängerheim » où à 3 heures de l’après-midi des gens étaient absolument ivres. J’ai entendu là des comiques « désopilants » sans être immoraux. Il y avait en particulier une scène de ménage avec un mari sous la pantoufle, où tout le monde se roulait. J’ai croisé la famille royale devant la porte en sortant, ils avaient tous l’air épanoui.