Découragements et marche à pied

Quand un coup de fil n'était pas si facile..

Extraits:

J'ai connu des moments d'intense découragement où je me disais que jamais je n'y arriverais. Monsieur André, le président de la commission scolaire avait pour habitude, chaque fin d'année, de calculer la moyenne de réussite aux fameux examens de chacune des classes de la commune ; il colportait ces résultats lors de ses tournées et ma classe arrivait en dernier. Un certain jour, je décidai que, vraiment, l'enseignement n'était pas pour moi, je m'étais fourvoyée dans ce métier et j'allais dire à l'inspecteur que je posais les plaques. Pour cela, il fallait aller au village lui téléphoner, à ce monsieur. Donc, après 40 minutes de marche à travers les pâtures, j'arrive à la poste. Hélas, Monsieur l'inspecteur de l'école publique, gratuite et obligatoire n'était pas atteignable. Donc, j'ai refait la marche en sens inverse, repris courage et continué à enseigner...
Bien m'en a pris, car ce métier-là, je l'ai aimé par la suite et je n'ai plus jamais eu envie d'en changer ! Je peux affirmer que les enfants m'ont beaucoup donné, beaucoup appris, ils ont enrichi ma vie. Je ne serais pas la personne que je suis si j'avais fait autre chose... Je me croyais, à 20 ans, totalement dépourvue d'imagination et de créativité. Les enfants n'en manquaient pas et ce sont eux qui ont éveillé en moi quelque chose de latent qui ne demandait qu'à germer, qui était là comme une graine qui attend son heure.

Ce n'était pas seulement pour téléphoner qu'il fallait aller au village, mais aussi pour chercher ma paie. Pour des raisons qui m'ont toujours échappé, l'administration communale ne voulait pas la confier au facteur. Comprenez-vous pourquoi je suis devenue adepte de la marche ?
Le vendredi en fin d'après-midi, je rentrais chez mes parents, car le samedi était déjà, à cette époque, un jour de congé. Ah, ce retour au bercail : c'est vraiment ça qui m'a aidée à tenir le coup. Quand il faisait beau, je descendais parfois jusqu'à Boveresse à pied ou à ski ou encore sur Couvet par le chemin que Cécile Jeannet empruntait jusqu'à Noiraigue, cent ans plus tôt. Une fois assise dans le train, c'était le choc : tout à coup, je réalisais que j'empestais l'écurie, j'étais imprégnée de cette honnête odeur paysanne qui ne m'avait pas gênée de toute la semaine. Ah, mes amis, la douche à Neuchâtel, le shampoing, la lessive et le linge frais, les bons repas et ces délicieux restes que j'emportais comme un viatique pour la semaine suivante.