Une classe à huit niveaux

C'était un vrai casse-tête...

Extraits:

Organiser le travail d'une classe avec huit niveaux différents, c'était un vrai casse-tête et je passais mes soirées, sous la lampe, à préparer les leçons du lendemain. J'avais à disposition la bonne volonté des plus grands pour aider les petits, là aussi, cela les mettait en valeur ; je pouvais enseigner la géographie ou l'instruction civique à plusieurs groupes en même temps, les leçons de lecture permettaient des regroupements, etc. Les enfants devaient apprendre l'autonomie dans le travail et je leur préparais des pages à faire seuls. Pas d'ordinateur à l'époque, même pas une photocopieuse, faute de courant ! J'utilisais un procédé appelé « hectographe » (ce qui veut dire 100 copies ou pages). C'était une espèce de bassin rectangulaire en métal, du format d'une feuille A4. On y versait une sorte de gélatine qu'on avait fait fondre au bain-marie. Avec des stencils ad hoc, on pouvait tirer de nombreuses pages, mais c'était un travail délicat et qui salissait les doigts...
Je me souviens des caisses de livres que je faisais venir d'une bibliothèque et que le facteur m'apportait. Des livres : c'était pour ces enfants l'ouverture au monde - la TV n'existait pas encore, les journaux étaient rares et on voyageait peu.
Les plus beaux moments dans la classe étaient ceux qui réunissaient tous les enfants autour d'un thème commun, soit le matin en attendant qu'il fasse vraiment assez clair, soit en fin de journée. On chantait beaucoup, on jouait de la flûte, je leur lisais ou leur racontait des histoires. Je vous assure qu'ils n'étaient pas blasés, mes élèves et qu'une image, un poème - surtout s'il n'était pas exigé qu'ils l'apprennent par cœur - c'était du bonheur. Je faisais la prière devant la classe tous les matins et cela ne m'a jamais été reproché. Je pense que ce bref instant de recueillement donnait le ton pour la journée. Cécile Jeannet faisait de même devant les galopins du siècle précédent.