Premier matin

L'accueil du pasteur

Extraits:

Mais revenons à mes propres débuts : figurez-vous que je n'ai aucun souvenir de ce matin d'octobre 1951. Ce que je sais, c'est que, comme du temps de Cécile Jeannet, le pasteur occupait la fonction de Président de la commission scolaire ; Monsieur le pasteur André promenait son chapeau - il ne le portait pas sur la tête - d'un bout à l'autre de la commune, faisant le tour des classes d'environs, admonestant les enfants et s'assurant que tout se passait bien. Donc il était là pour me mettre en selle et me souhaiter bonne chance. De la chance, j'en avais besoin, étant donné les mésaventures de l'institutrice que je remplaçais au pied levé. Elle avait démissionné suite au conflit qui l'opposait à une certaine famille dont les quatre filles lui faisaient des niches pendables. Excédée, elle avait rendu les armes. Ecoutez plutôt : parmi les farces concoctées par ces effrontées gamines, celle qui avait fait déborder le vase, si j'ose dire, avait consisté à mettre un bouquet d'orties dans le trou des toilettes. Vu l'absence d'éclairage, je vous laisse imaginer la surprise...

Cécile Jeannet, un siècle plus tôt, devait régenter une très nombreuse marmaille, combien d'élèves exactement, Oscar Huguenin ne le dit pas. Lorsque j'ai repris la classe du Bois de l'Halle, j'avais 20 élèves, répartis sur 8 degrés, deux ou trois à chaque niveau de l'école publique, gratuite et obligatoire. Il n'y avait, cette année-là, pas d'élève en 9e, fin de la scolarité. Quand j'ai quitté cette même classe, deux ans et demi plus tard, il n'y avait plus que 16 enfants. Après mon départ du Bois de l'Halle, il y eut encore un maître pendant quelques années, puis la classe fut fermée, faute d'élèves en suffisance. Quelques abonnements de bus coûtaient moins cher à la commune qu'une paie d'instituteur. Il ne reste de l'école que le perron et la cloche, les locaux ayant été convertis en appartement de vacances.