La guerre est finie

Le peuple parisien place de la Concorde le jour du 11 novembre 1918 (tous droits réservés)

[]
Cliquez pour agrandir

Asnières, le 16 novembre 1918

Chère Irène,

Depuis ma dernière lettre, bien du changement est parvenu. Tu dois savoir toi aussi bien que nous que la Victoire est à nous que la France est glorieuse.
Je brûle d’envie de te raconter l’émotion de tout Paris et de moi-même. Je ne sais pas même par où je dois commencer ! Ah ! bon j’y suis, j’y ai : écoute bien ! Une… deux… trois !

C’était à 11 heures du matin le 11 novembre 1918 que tout à coup des coups de canons ont été tirés, que les cloches avaient été sonnées et les sirènes hurlaient que dans toutes les usines l’on fut en joie.

L’armistice est signé !

Dans les ateliers tous les ouvriers et ouvrières se groupent et chantent les hymnes alliés des hourrahs ! acclament les discours faits par les patrons Paris s’est changé en 1 heure une autre parure rendait la capitale belle, joyeuse, Paris avait retrouvé son allure d’antan, paris est redevenu la ville lumière, Paris n’est plus qu’un drapeau.
La foule devient immense. D’ailleurs je vois d’après les vues que j’ai envoyées à Nelly et qui j’espère sont arrivées, t’expliquer où les principales manifestations ont été célébrées.

Sur la place de l’Opéra une très grande place là étaient réunis plus de 8'000 personnes. Sur le balcon principal de l’Opéra des chanteurs ont chanté la Marseillaise la Brabançonne et les hymnes alliés.

La place de la Concorde, dans les tuileries au Carrousel, un monde fou circulait en chantant, sous l’Arc de Triomphe, Avenue de la Grande-Armée, Aux Champs-Elysées, Au Palais Bourbon, à la Madeleine pas de véhicules circulent, dans la rue de Rivoli qui a 50 m de large sur 3'500 m de long on est serrés comme dans du boudin, au Louvre la même chose A la Bastille à la Nation pas une place pour une personne avec un paquet c’était pire que des harengs salés mis en caisse prêts à expédier Ah si jamais Bertha avait marché les coups auraient bien porté. Mais aussi ils sont loin les boches de recommencer.

Voilà, Irène, comment on vit en ce moment dans Paris et dans la banlieue. Combien j’envie ta place dans une petite ville bien tranquille comme celle de Neuchâtel.
Maubeuge est délivrée du joug boche et je compte bientôt aller y voir mon pauvre grand-père lui aussi aura fait sa part, hélas ! j’espère que rien de fâcheux ne lui est arrivé.

Je vois que l’opération a été faite une dizaine de jours avant l’armistice j’ai pu donc voir et défiler avec mes compatriotes en rigolant sous l’Arc de Triomphe.
Bien entendu je souffrais encore mais je ne le disais pas j’ai mal fait : heureusement tout a bien marché.

Maintenant ! Comment vas-tu ? j’espère que tu te portes à merveille. As-tu recommencé les cours ? je pense que oui.

Comment vont Mme et Mr Sandoz ? salue-les et dis leur combien je suis heureux de voir la guerre se finir et que je fais des vœux pour la prospérité de ta bonne et belle Helvétie. (…)

Voilà l’hiver qui approche déjà il y a de la glace vas-tu patiner Je te quitte en espérant à bientôt une bonne petite lettre qui est toujours bien reçue et qui me fait grand plaisir. Mes bonnes amitiés.

Ton ami Jean Riquaire