Je me trouvais dans une ville toute nouvelle pour moi, mais qui ne me paraissait pas un paradis…

De Douvres à Londres

Image : port de Douvres au milieu du XIXe siècle (tous droits réservés)

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Nous étions alors à Douvres, aux falaises blanches et aux pentes entièrement nues. C’est à tort qu’on appelle cette ville un port de mer ; elle ne possède qu’une jetée dont l’abri ne suffirait pas pour maintenir au repos notre chaloupe de descente. J’hésitais à descendre l’échelle mouvante, lorsqu’un matelot m’empoigna à bras le corps et me déposa au fond du bateau comme un ballot. A Douvres, je demandai une tasse de thé qu’on me fit payer 20 batz (?). C’est l’unique vexation que j’aie éprouvé pendant le voyage. Le départ de Douvres n’eut lieu qu’à 11 heures ; nous traversâmes plusieurs tunnels où l’absence de lampes nous laissait dans une obscurité profonde et bientôt nous nous trouvâmes dans les champs fertiles du comté de Kent où je m’étonnais de voir de grandes étendues de terrain cultivées en fèves de Bourgogne et en haricots à verge ; on me dit plus tard en riant de ma simplicité que ces haricots étaient du houblon. L’arrivée au pont de Londres eut lieu à 4 h. après-midi ; là, je fus fort dépaysé en ne trouvant plus ma malle que j’avais cependant vu mettre à Douvres dans la charrette qui menait les effets des passagers au wagon des bagages. Cette omission fut l’objet d’une pressante réclamation qui eut lieu le jour même et qui ne fut pas inutile puisque la dite malle me fut envoyée le surlendemain sans que j’aie pu savoir ce qu’elle était devenue dans l’intervalle. Je me fis donc conduire dans la mauvaise humeur d’un voyageur dépouillé à Brompton, terme de mon pèlerinage et là, je trouvai d’abord Henri qui accourut à ma voiture, puis Marie, puis Freddy, puis toute cette petite famille qui me reçut on ne peut mieux, et dont l’air de santé et les félicitations me consolèrent bientôt de ma mésaventure. Dès le premier moment, je fus au milieu d’eux comme chez moi. J’étais un peu fatigué, c’est vrai, mais en même temps étonné de ne pas l’être davantage ; au bout de quelques heures, j’étais remis. (…) je me trouvais (…) dans une ville toute nouvelle pour moi, mais qui ne me paraissait pas un paradis.