"La vie est toujours la même ici..."

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Nouméa, le 18 octobre 1921

Ma chère Irène,

Merci de ta lettre du 21 août que tu m’as expédiée alors que tu étais à Chaumont. Je suis d’une paresse en ce moment, c’est effrayant. Je ne sais pas si c’est la chaleur qui me produit cet effet, mais je n’ai plus le courage de tenir une plume. Enfin, je me domine pour t’écrire, car tu dois bien te demander ce que je deviens. Ce n’est pas difficile à te dire. La vie est toujours la même ici. La semaine dernière cependant, nous sommes montés à 90 km d’ici, à Nassirah, dans la brousse, pour célébrer les fiançailles de mon cousin Edmond Colardeau avec Louise Roumy, la fille du propriétaire de Nassirah. Nous sommes restés trois jours là-bas : samedi, dimanche et lundi, les 8, 9 et 10 octobre. Nous étions dix-huit et il est inutile de te dire que nous nous sommes bien amusés. Nous avons passé notre temps à boire, à manger, à danser, à nous promener, à faire de la photo, mais très peu à dormir. Aussi quand nous avons repris nos autos respectives, nous étions tous quelque peu fatigués. Le retour cependant, s’est bien effectué, sans panne.

Je joins à me lettre trois photos, une (la plus grande) tirée avec mon appareil, et les deux autres tirées avec l’appareil de ma cousine. L’une d’elle représente cet « El Viautara » sur lequel j’ai vécu si longtemps et que j’avais fini par aimer, partant pour France après nous avoir déposés ici. A son dernier voyage, je n’ai pu le tirer avec mon appareil j’étais sur le quai, mais il est parti trop tard et j’étais pressée.

Voilà l’été qui s’ouvre, et nous commençons à avoir très chaud alors que toi, tu entres dans l’hiver et dans la neige. Si nous pouvions faire des échanges par lettres, cela ferait plaisir à tout le monde.

Je ne sais quand part le prochain courrier, mais, comme on ne les annonce plus dans le journal, je me dépêche de clore ma lettre pour pouvoir la jeter à la poste sitôt que je verrai un bateau en partance pour Sydney, ce qui ne peut plus tarder.

Allons, je te quitte en t’embrassant bien affectueusement.

Ton amie Marie-Alberte