Vivre en pays catholique
Ci-dessous image de Sagua-la-Grande, où résident les frères Wille, à la fin du XIXe siècle. Tous droits réservés.
28 mars 1866, Eugène Wille (à sa sœur Alice)
(…)
Aujourd’hui, c’est Jeudi Saint, demain Vendredi-Saint, enfin toute la semaine est sainte ; demain il y aura une grande fête à l’église, procession, etc. Nous n’y participons pas, du reste l’on sait généralement que nous ne sommes pas de la même religion. Au commencement, je n’aimais pas à dire que j’étais protestant, mais je me suis aperçu que cela n’avait pas grande importance. Dans une déclaration que nous avons été obligés de donner devant le gouverneur, il ne voulait pas nous admettre comme chrétiens ; il a fallu que le curé lui fasse entendre raison et lui faire comprendre que pour n’être pas catholiques romains, nous n’en avions pas moins les honneurs de chrétiens. Généralement ils ne savent pas ce que c’est la religion protestante ; ils sont tout étonnés quand on leur dit que nous avons la même Bible et à peu près les mêmes croyances qu’eux, car beaucoup se figurent qu’entre juifs, protestants, musulmans, la différence n’est pas grande. Du reste, (…) on fait très peu de cas de la religion dans ce pays. Cependant comme cette incrédulité provient plutôt d’ignorance que de raisonnement, il n’est pas rare de voir un homme parfaitement irréligieux faire à la suite d’une promesse un pèlerinage à la Vierge del cobre (Vierge du cuivre) qui est à l’autre bout de l’île près de Santiago de Cuba.
Il est 5 heures du soir, Charles qui s’est trouvé passablement soulagé par la purge qui lui a produit un effet admirable est allé faire un tour. Je vais profiter de la solitude où je suis pour terminer avec toi mon bavardage et commencer une lettre à mon cher père.