Mise en garde

< Page précédente    ·    Table des matères    ·   Page suivante >

La Chaux-de-Fonds, le 5 novembre 1910

Ma bien chère enfant,

Ta lettre nous demandant d’aller voir Mr. B. m’a beaucoup contrarié ; c’est mon devoir de père qui affectionne tout particulièrement sa chère Inès qui m’oblige de te répondre ce qui suit.

Nous avons tous dans la famille une grande estime et de l’amitié pour Mr. B. ; je reconnais qu’il te fait de l’honneur en te distinguant parmi toutes les jeunes filles de sa connaissance, pour être son amie, et mon désir est que vos sentiments réciproques, pour le moment, se bornent à une grande amitié.

Il m’est pénible pour Mr. B. et pour toi, de te répondre ainsi, mais il ne m’est pas possible d’autoriser l’entrevue en question ; j’estime que ce serait entretenir dans vos cœurs des espérances qui si elles devaient s’effondrer, vous feraient beaucoup souffrir tous les deux, et cette rencontre serait un compromis, presque un engagement de ta part.

Je n’y verrais rien d’autre, car j’ai toute confiance en vous, si l’état de santé de Mr. B. me permettait d’espérer pouvoir approuver un jour ce qui pourrait survenir.

Ma chère Inès, crois en l’affection et l’expérience de ton père, cela est très sérieux et comme je te l’ai déjà dit, je ne prendrai jamais la responsabilité d’approuver l’union de ma chère enfant avec une personne dont la santé pourrait avoir des conséquences très graves dans l’avenir.

Il y aussi les convenances à observer, je pense qu’une visite de ce genre serait mal interprétée par les personnes qui en auraient connaissance.

Pour ne pas faire trop de peine à Mr. B., écris lui que tu ne peux quitter seule Montmirail sous aucun prétexte, que tu ne te sens pas la liberté d’aller lui faire cette visite et que vous aurez certainement l’occasion de vous voir sous peu.

Mr. B. m’a dit lors de nos dernières entrevues, que sa santé va s’améliorant rapidement ; je le désire ardemment pour lui.

J’espère que tu approuveras ma manière d’envisager cette question, que me dicte ma grande affection pour toi ; en tous cas, si ce n’est pas de suite, tu m’approuveras plus tard.

Je te quitte en te souhaitant un bon dimanche et t’embrasse bien tendrement.

Ton père affectionné.

A.B.J.

Nous nous réjouissons beaucoup de te voir samedi prochain.


 

< Page précédente    ·    Table des matères    ·   Page suivante >