Cercles de bois et bauches de tourbe

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Extrait:

La belle saison est terminée. Le potager de la cuisine et le fourneau de la chambre vont réclamer leur pitance. Le gouvernement  (les parents, ndlr) a eu recours à "Donzé combustibles". Auprès de cette dernière, j'ai souvenance que nous faisions l'acquisition de temps à autre, lorsque le bûcher se vidait par trop vite, d'un ou deux "cercles" de bois; c'était tout simplement du combustible scié, bûché, prêt à l'emploi, contenu à l'intérieur d'un cercle de fer plat, de septante centimètres de diamètre environ. Le "cercle", unité de capacité qui a disparu comme beaucoup d'autres, par exemple la "bauche". 

Avant la guerre et surtout durant celle-ci, afin de compenser le manque de charbon, il arrivait fréquemment que le "Montagnon" (habitant des Montagnes neuchâteloises, ndlr) commande à un paysan de la vallée de La Sagne ou de La Brévine, propriétaire d'une tourbière, une ou deux "bauches" de tourbe. Cette unité de volume correspondait à la contenance d'un char équipé spécialement pour le transport de ce combustible à la fois très léger, si suffisamment séché, et surtout bon marché.

Parfois, lorsque les finances le permettaient, nous achetions également un ou deux paquets de "briquettes". Conglomérat de poussier de charbon, que nous mettions parcimonieusement dans le foyer afin de maintenir dans l'entre-saisons une diffusion agréable de chaleur ou, comme disait maman, pour conserver de la "braise". Pour nos ancêtres, cela correspondait à vouloir conserver du feu, une flamme, une braise entre la fin du dîner et le souper!

Ceux qui n'ont jamais vécu dans une cuisine où siégeait un potager à bois ne comprendront pas la "tendresse" qui se dégageait de cette convivialité, de cette intimité, entre ce dernier et les humains. Très certainement suis-je un attardé, un inadapté. Peut-être que le fait d'avoir dû scier, bûcher, transporter au galetas  et redescendre ce combustible nous donnait le droit de l'apprécier davantage que le matériau étranger utilisé aujourd'hui pour nous chauffer avec la certitude d'engraisser de richissimes actionnaires.


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