Du Canada au front français

Lettres de Richard Béguin à sa famille

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Cottonwood, Saskatchewan, le 13 mai 1915
Chers parents,
J’ai bien reçu vos lettres, ainsi que les journaux pour lesquels je vous remercie. J’ai été bien content d’apprendre que tout le monde se porte bien ; il en est de même de moi ; tout est bien tranquille au Canada ; plus de cent mille hommes se sont engagés comme soldats et ceux qui ne sont pas engagés ont grand peine à trouver de l’ouvrage ; la plupart des industries chôment et il y a des milliers d’hommes dans les villes sans argent et sans ouvrage. (…) tout le monde parle de la guerre ici, et Regina est pleine de soldats qui font l’exercice.

Bramshott Hauts, 5 juin 19156
Chers parents,
Vous serez sans doute surpris de recevoir une lettre de moi, envoyée de l’Angleterre ; j’ai quitté le Canada avec le bataillon 56ème de Calgary et irai prochainement en France en qualité d’interpréteur, de sorte qu’il ne faut pas faire de souci à mon sujet.

16 juillet 1916
Chère maman,
(…) Il n’est pas possible de donner grand détail à cause de la censure, mais je suis toujours bien portant, et désire d’aller en France le plus tôt possible. Comme je vous l’ai dit auparavant, ne vous faites pas de soucis à mon sujet ; tout va bien pour moi et j’espère vous revoir tous après la guerre.

1er août 1916
Chère sœur,
J’ai bien reçu votre dernière lettre qui m’a fait grand plaisir. (…) il serait ridicule pour vous de vous faire du souci à mon sujet, jusqu’à ce que nous allions en France, je prends [j’apprends] différents noms « grenades », « mitrailleuse » etc., et ça m’intéresse beaucoup.
La réception faite par la Suisse aux prisonniers anglais retournés de l’Allemagne a touché tout le monde ici, et chacun est reconnaissant à la Suisse pour son hospitalité.
J’ai fait une visite d’une semaine à Londres, il a un mois je m’y suis bien plus et voudrais y retourner, mais je ne crois pas avoir le temps avant d’aller en France !

France, 1er octobre 1916
Chère sœur,
Je viens de recevoir la boîte de cigares ainsi que le paquet envoyé (…) contenant une chemise (de maman). Merci pour le tout. Les cigares comme d’habitude nous ont fait le plus grand plaisir, par nous, je veux dire mes camarades et moi, quant à la chemise, elle a été également la bienvenue, quoique moins nécessaire, car le gouvernement canadien est très généreux en ce qui concerne l’habillement et nous ne souffrons du manque de rien à ce sujet. Il y a peu de détails que je puisse vous donner au sujet de la guerre, car la censure est assez serrée (…) Nous avons passé maintenant 2 mois en France et avons été assez heureux mais il ne faut pas se réjouir trop tôt, nous sommes maintenant dans un petit village français où tout est prospère et bien tranquille et où la guerre ne semble jamais avoir existé. La population ici est très bonne et courageuse ; les femmes surtout sont vraiment admirables car tout l’ouvrage leur tombe sur les mains, peu d’hommes restant maintenant pour cultiver ; malgré l’absence des hommes, les campagnes ont vraiment l’air très prospères et bien cultivées, et l’on comprend pourquoi certains historiens disent que dans la guerre présente comme dans les passées, c’est ce paysan qui sauvera la France ; il serait plus juste de dire la « paysanne ». Je me plais bien ici, et m’entends très bien avec les habitants qui sont tout heureux de trouver quelqu’un portant l’uniforme canadien, capable de les comprendre. (…) Les progrès des Français et des Anglais sur la Somme sont très réjouissants et pour peu qu’ils continuent nous aurons bientôt les Allemands sur l’autre bord du Rhin ; c’est le premier pas qui coûte. Pourvu que l’heure ne vienne pas trop tôt.

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