La fin de la guerre racontée de Paris à une famille neuchâteloise

Comme d’autres, la famille du vétérinaire Henri Sandoz, à Neuchâtel, a accueilli durant quelques mois un jeune Français, Jean Riquaire. De retour chez lui à Asnières, près de Paris, celui-ci entretient entre 1918 et 1921 une correspondance avec la fille d’Henri Sandoz, Irène. Le 23 décembre 1918, il s’adresse à toute la famille. (cf. dossier parallèle : 1918, la guerre est finie)

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Cher Monsieur, chère Madame, chères amies,

Voici la fin de l’année, année de la Victoire ; je viens vous envoyer et vous renouveler mes vœux d’excellente santé et d’une heureuse année. L’année 1919, faut espérer, qu’elle nous sera plus douce plus humaine et qu’elle sera dans notre histoire, l’année de la Gloire, du Triomphe et de la Paix universelle.

Depuis deux mois Paris fête et acclame les gouvernants des pays alliés. Que c’est beau la Paix ! Qu’on la goûte avec douceur.

Après quatre ans de guerre, hors de son foyer, la Mort dans toutes les familles a laissé des vides irréparables.

Quel beau spectacle ce devait être, le jour, à l’heure, à la minute où les canons crachaient la Mort, aussitôt se taire : il faut espérer maintenant que les canons ennemis et les nôtres ont pour bien longtemps fermé leurs culasses.

Voilà bientôt 5 mois que je vous ai quittés. Que de changements dans la vie parisienne. Tout le monde est heureux, mais les épouses, dont les maris sont morts là-bas, au combat : elles disent toutes : « Il est mort, mais il est vengé. »

Oui ! du changement aussi pour moi.

Ayant quitté le collège à Neuchâtel je me suis résolu à me mettre à la pratique, mes petits savoir-faire.

(…)  J’ai appris par une lettre d’Hélène qu’il y avait eu beaucoup de décès, par la grippe infectieuse. J’ai été content que personne de vous n’en ait pas eu un seul symptôme ! J’espère que vous avez passé un bon Noël. Ici en France il a été interdit de faire le Réveillon. « Grande privation pour Paris. » C’est pire que la carte de pain. (…)

Je vous quitte chère dame, cher Monsieur et vous chères amies en vous envoyant par respect, mes sincères salutations et cordiales poignées de mains (…)

Un petit Français qui pense à vous.

 

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