La fin de la guerre vue d'Amérique

Walter Vautravers, installé à Moline au Kansas depuis 1904, évoque la fin de la guerre et les ravages de la grippe espagnole au moment d’adresser ses vœux à une tante habitant à La Chaux-de-Fonds.

10 décembre 1918

Chère Tante,

Comment allez-vous tous ? Y a bien longtemps que je n’ai pas eu de vos nouvelles. (…) Je pense que tout le monde en Europe est content que la guerre soit finie, mais j’ai pas idée que les bourdons sont contents qui ont fallu qu’ils se rendent. Ces Allemands ont fait beaucoup de malheureux, le peuple n’en peut rien mais c’est ces gros cochons y devraient être punis pour avoir fait souffrir ces pauvres Belges, enfin tout le monde s’en est passablement ressenti. Ici nous avons rien à nous plaindre. Je n’en connais point qui ont eu faim pendant la guerre ; on était rationné pour la farine et le sucre. Nous avons toujours tout le pain qu’on pouvait manger. Nos soldats commencent à revenir de la France à grand train. Si la guerre n’avait pas fini alors, j’étais dans la suite de soldats qui devaient partir après le Nouvel-An pour la France, mais comme la guerre est finie, je ne veux pas avoir eu la chance d’aller ; le fils à Jules est en France y a deux mois.

Comment est-ce que cette pauvre Angèle s’en tire avec son commerce, pauvre femme, elle assure une grande corvée devant elle, je la plains beaucoup. J’espère que tout son commerce veut bien aller, elle aurait encore besoin de Pierre pour bien des années. Il y a beaucoup de gens qui ont la même maladie que Pierre ici. Les gens meurent, c’est terrible. Cette maladie est dans toute l’Amérique. (…)

Nous souhaitons à tous un joyeux Noël et que Dieu (vous) conserve en bonne santé pour nombreuses années. (…)

Walter et famille