Vendredi 15 octobre et samedi 16 octobre 1886 : croisière sur le Rhin et arrivée à Cologne

Carte du Rhin entre Bonn et Cologne extraite du guide Baedecker Bords du Rhin (édition de 1891)

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Vendredi 15 octobre : Croisière sur le Rhin

Après une nuit à Mayence dans un hôtel à l’air un peu drôle, c’est une croisière sur le Rhin que s’offre Daniel. Suivant les recommandations de son Baedeker, il décide de gagner Cologne par bateau, un voyage de quelque 200 km.

Daniel se montre très intéressé par la navigation sur le Rhin, qui ne ressemble en rien à celle du lac de Neuchâtel. À Rudesheim, il aperçoit le fameux monument de l’orgueil national allemand : la Germania. Après un voyage froid et pluvieux qui ne lui laisse pas un bon souvenir, son bateau arrive enfin dans la nuit, à Cologne.

Samedi 16 octobre : Cologne

Avant de visiter la ville, Daniel, prudent, tient à repérer l’entrée de la gare de Cologne, car il va partir le soir même par le train de 19 h. 54 et craint de ne pas la trouver à cause de l’obscurité.

Simagrées, idolâtrie, gravité d’emprunt des prêtres, Daniel n’y va pas avec le dos de la cuillère dans sa critique de la foi et des pratiques religieuses catholiques, lors d’une messe à laquelle il assiste, malgré lui, dans la cathédrale de Cologne. Il oublie peut-être que ce sanctuaire qu’il visite sitôt la messe dite, est aussi un témoin, et quel témoin ! de cette foi catholique. Émerveillé, il prend tout son temps pour détailler minutieusement cet édifice. Il est surtout frappé pas ses lignes symétriques parfaites qu’il remarque de même à l’extérieur.

Est-ce dû à son jeune âge ou à une connaissance encore peu maîtrisée de l’histoire du christianisme ? Daniel ne perçoit guère le sens profond de la multitude des symboles que les bâtisseurs de cette cathédrale y ont fait figurer.

Puis il visite la salle aux trésors. Pour Daniel, protestant calviniste, toutes les reliques qui y sont exposées, si précieuses soient-elles, ne sont que supercheries.  Durant ses études, il a dû sûrement lire le Traité des reliques que Jean Calvin écrit en 1543 et dans lequel il dénonce avec une rare férocité leur culte. Qui ne connaît sa fameuse critique du lait de la Vierge conservé dans de petites fioles dans d’innombrables églises : « Tant y a que si la sainte Vierge eût été une vache et qu’elle eût été nourrice toute sa vie, à grand’peine en eût-elle pu rendre telle quantité. » ?

Lors d’une deuxième visite de la cathédrale, Daniel voit une « pécheresse » entrer dans un confessionnal. Il réagit sur le champ. Après le culte des reliques, il s’en prend à cet autre grand sujet de discorde avec les catholiques : la confession.  Les prêtres catholiques sont des pécheurs comme n’importe lesquels des hommes. Aussi, il leur dénie tout droit à être des directeurs de conscience. Étudiant théologien, a-t-il déjà lu et médité ce passage du livre de Jean Calvin L’Institution de la religion chrétienne, dans lequel ce réformateur reconnaît un certain intérêt à la confession personnelle faite à un pasteur ? « Ainsi, lorsqu’un croyant aura le cœur angoissé par le remords de ses péchés au point de ne plus trouver le repos sans une aide extérieure, qu’il se souvienne d’utiliser ce remède que lui offre Dieu : qu’il se confie à son pasteur pour être soulagé, puisque l’office de celui-ci est de consoler le peuple de Dieu avec la vérité de l’Évangile, tant en public qu’en privé (1). »

Après cette deuxième visite, Daniel se rend à la gare prendre le train de nuit pour Lippstadt, petite ville à mi-chemin entre Cologne et Berlin.

Il y demeure trois jours chez un certain M. Dreichmann auquel il a annoncé son arrivée. Le feuillet n° 8 de son périple ne figurant malheureusement pas parmi les papiers de Daniel, nous ignorons ce qu’il y a fait. Mais grâce à son « carnet du lait », nous apprenons qu’il arrive à Berlin le 22 octobre où il retrouve son ami Reichardt qu’il a rencontré à Strasbourg.

 

(1)  Calvin Jean, Institution de la religion chrétienne (IRC), Kerygma/Excelsis, 2009, III.4.17.