Mercredi 13 octobre et jeudi 14 octobre 1886 : Heidelberg et Francfort

Plan du château de Heidelberg extrait du guide Baedecker Bords du Rhin (édition de 1891)

[]
Cliquez pour agrandir

Mercredi 13 octobre : Heidelberg

À Heidelberg, au petit matin, Daniel écrit à Lily, à sa mère… Cela ne fait que quatre jours que Daniel a quitté les siens. Or il ne parvient toujours pas à apprivoiser la solitude qui le ronge, dès qu’il se retrouve seul dans une chambre d’hôtel.
Mais prenant son courage à deux mains, il organise sa journée. Il n’a guère que la matinée pour la visite de la ville, car il veut se rendre à Francfort. Son Baedeker lui recommande la visite du château. Conseil qu’il suit. Il parcourt son intérieur et visite son grand tonneau, alors le plus grand du monde, avec ses 228 000 litres et qui date de 1750. Puis, il retourne à l’hôtel. Sa nuitée et son petit-déjeuner lui coûtent 9.60 marks. Après s’être restauré, il se rend à la gare.

Jeudi 14 octobre : Francfort

À Francfort, Daniel retrouve Quinche, un ami. Est-ce que ce compagnon éprouve quelques réticences à visiter quelques-unes des nombreuses églises de la ville ? Il préfère montrer à Daniel une curiosité que celui-ci n’a sûrement pas eu l’occasion de découvrir jusqu’alors : un Jardin zoologique.

Avant d’entrer, ils admirent tout de même le « propre en ordre » allemand. Malgré la pluie, ils parcourent les différentes allées où, dans des espaces clos, une multitude d’animaux s’offrent à leur curiosité.

Les singes sont les plus amusants. Loin d’être un ancêtre de l’homme, le singe n’en est qu’une parodie. Ce visage bestial qui a quelques reflets d’intelligence, est si ridicule, il forme un contraste si fort que chacun en rit…

Cela faisait vingt-sept ans que Charles Darwin avait publié son célèbre ouvrage De l’origine des espèces (1859), dans lequel il formulait l’hypothèse que toutes les espèces vivantes avaient évolué au cours des millénaires à partir d’un seul ou de quelques ancêtres communs, que les singes et les hommes, par exemple, descendaient d’un ancêtre commun. La remarque sarcastique de Daniel est intéressante. Elle suggère que, pour lui, la théorie de l’évolution était à remiser dans le placard aux balivernes comme le proclamaient haut et fort les créationnistes dont faisaient partie tous les pasteurs de sa génération, persuadés de la véracité du récit de la Genèse.

J’ai remarqué entre autres l’axolotl, ce fameux animal qui n’a pas l’air de se douter qu’il est un argument nouveau et puissant dans les mains des darwiniens, ou s’il s’en doute, il n’a pas l’air d’y croire. Il m’a l’air, au contraire, de prendre très philosophiquement la vie, et pourquoi pas, somme toute ?...

Daniel fait ici allusion à une découverte des biologistes de son époque. L’axolotl est un animal marin qui ressemble à un triton et qui vit avant tout dans les lacs mexicains. Lorsque ceux-ci sont victimes d’un assèchement, les scientifiques ont remarqué que cet animal se transformait en salamandre. Cette transformation servit d’exemple aux darwiniens pour expliquer l’importance du milieu naturel dans l’évolution des espèces.

Puis, Quinche emmène Daniel au Palmengarten, autre jardin botanique de la ville, ouvert au public en 1870.

Dans son petit « carnet du lait », Daniel a noté toutes ses dépenses à Franckfort.

• Porteur et bonne main 0.80
• Jardin zoologique Quinche et moi 3.00
• Palmengarten 3.30
• Diorama 2.00
• Cigarettes, tramway 0.70
• Hôtel 14.00
Total 23.80 M.