Conseils d'un père à son fils

Albert Bourquin-Jaccard (1860-1948) est un notable de La Chaux-de-Fonds : fabricant d'horlogerie, entrepreneur, ancien d'Eglise durant plus de quarante ans, président de diverses sociétés. C'est un père attentif à ses enfants. Il en a cinq : trois garçons nés en 1885 (Julien), 1887 (André) et 1888 (Emile), ainsi qu’une fille, Inès, née en 1891, avant un petit dernier, Gustave-Albert, qui voit le jour en 1899.

Voici ce qu’écrit Albert Bourquin, le 15 février 1900, à son aîné, Julien, alors que celui-ci se trouve en pension à Königsfeld (une petite ville située dans la Forêt Noire). Julien Bourquin est alors âgé de 15 ans. Il deviendra pasteur, tour à tour à Fenin, à Chézard-Saint-Martin et à Cortaillod.

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Mon cher Julien,

Ta dernière lettre m’a fait plaisir ; je vois par ton bulletin que tu t’es donné de la peine, ce que j’espère tu continueras de faire afin que le prochain soit encore meilleur. Je constate également avec plaisir les progrès que tu fais dans la langue allemande, par a correspondance que tu nous envoie. Soigne bien ton orthographe en français et apprends à fond tes déclinaisons allemandes, car sans cela tu auras toujours de la peine. (…)

Voilà déjà 5 ½ mois que tu es en pension et Dieu voulant dans le même laps de temps, tu seras au milieu de nous en vacances ; cela nous réjouit et ce doit être de même pour toi, aussi tâche que rien ne vienne troubler cette joie et que nous ayons toujours de bonnes nouvelles de toi.

A cette heure, André apprend bien péniblement ses mots et Emile dessine une carte de Suède et Norvège ; Inès et Gustave-Albert dorment déjà. A propos, tu n’as pas l’air d’accepter de bon cœur que l’on appelle ton petit frère Albert ; ici chacun, tes tantes particulièrement trouvent que nous devrions le nommer ainsi. Nous ne l’avons pas encore baptisé ; nous attendrons que tu sois ici pour cela ; il se développe admirablement, quoique ces jours il a beaucoup souffert pour les dents ; il en a déjà 3 et la 4ème va percer ; il commence aussi à marcher et dit déjà bien des mots. (…)

Ce que tu me disais dans une de tes précédentes lettres, que tu apprendrais peut-être l’horlogerie est peut-être ce que tu pourrais faire de mieux. Ce métier-là ouvre bien des horizons et on peut le pratiquer partout ; si par la suite tu voulais te vouer au commerce de l’horlogerie, qui vaut bien un autre commerce, tu auras toujours plus de succès et de chances de réussir en étant technicien. Pour le commerce, j’estime que cela ne s’apprend pas ; il faut du naturel et de l’instruction. Les langues, l’arithmétique et surtout, mais cela est nécessaire pour réussir dans quoi que ce soit, de la loyauté. Enfin, avant de choisir ce métier ou un autre, il faut bien réfléchir afin de ne pas s’engager dans une fausse voie.

Il faut tout remettre entre les mains de Dieu et le prier que lui-même te mette au cœur ce que tu dois faire en pensant qu’Il fait concourir toutes choses au bien de ceux qu’il aime.

Efforce-toi d’avoir une conscience droite et pure et tout ira bien pour toi ; tu réussiras ainsi à réjouir tes parents qui sans cesse pensent à toi et qui désirent de tout cœur ton bonheur.

Je te quitte en t’embrassant bien tendrement au nom de toute ta chère famille.

Ton père
A. Bourquin-Jaccard

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