Naître à La Chaux-de-Fonds en 1885

Dans un texte daté du 25 septembre 1937, Marie-Caroline Bourquin-Jaccard (1861-1963), épouse du fabricant d'horlogerie et entrepreneur Albert Bourquin (1860-1948) relate, plus de cinquante ans après les faits, son premier accouchement et les débuts dans la vie de son fils aîné, Julien. Celui-ci deviendra pasteur et décédera à Bôle en 1959.

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Julien-Albert fut un enfant désiré, ardemment demandé à Dieu, né le 16 juillet 1885, quinze mois après notre union.

J’étais jeune et courageuse ; nous avons fait pendant ma grossesse beaucoup de courses avec son père et tous les parents chaque dimanche. Le jour précédant sa naissance nous sommes allés à Pouillerel et devais souvent m’arrêter… Tante Marie et tante Marthe venue pour l’événement firent cette course avec nous.
J’ai beaucoup chanté, même jodlé aussi les futures tantes me prédirent un musicien. En passant devant chez oncle Félix, on me pesa 133 livres 300 à 6 h. du soir, le lendemain naquit Julien à 6 h du matin. Si j’avais respecté ma fatigue que j’aie su me reposer un peu mon bébé aurait été mieux ; il fut assez pénible, nous eûmes beaucoup de mauvaises nuits et de petits cris ; un jour son père en était si fatigué qu’il le prit et le mit un instant entre les fenêtres doubles… Ah comme j’aurais dû écouter le conseil de ma tante Cécile, femme du professeur de dessin, à Yverdon sœur de mon père qui m’avait dit « forme une jeune fille une jeune de l’Asile. Elle m’avait trouvée bien changée éprouvée en avril ; tout était fatigue pour moi je n’étais pas habituée à faire un ménage mais mes belles-sœurs et cousines (…) le faisaient.

L’après-midi, je faisais avec joie mon gadin, le trousseau du bébé et vers 5 heures mon cher mari et moi allions en nous promenant boire le chaud lait ; c’est ainsi qu’il renonça à ses chopes de bière. Ma 1ère couche fut très pénible mais les maux vite oubliés quand j’entendis le doux vagissement de mon bébé, chair de ma chair et le repos en perspective, j’étais au 3e ciel ! si heureuse et reconnaissante et son père jubilait que ce soit un fils. Grand-maman du Stand faisait prendre les petites lavées du bébé ; pour ces petits voyages, elle avait acheté une jolie corbeille d’osier, ma sœur Marthe avait assez à faire dans le ménage Chaque après-midi elle allait chez grand-maman montrer le cher bébé puis faire une promenade avec tante Marie c’était à qui le porterait le plus longtemps : quand il criait grand-maman lui donnait de l’eau sucrée avec des pèlerines, ce qui souvent contrariait mon lait, car je l’ai nourri 4 mois ½ et j’aimais avoir des heures régulières pour lui donner le sein ; il prospéra et fut notre grande joie. (…)

A son 1er Noël, chez nous, grand-maman du Stand avait fait la dame de Noël, très bien travestie en blanc, méconnaissable ; le lendemain il me dit « je crois bien que c’était grand-maman, j’ai reconnu sa main (esprit d’observation). Quand l’arbre fut allumé, il se mot à sauter et chanter « Mon petit lapin a-t-il du chagrin ? il ne saute plus il ne court plus dans le jardin saute saute petit lapin et sautait tout joyeux. Il allait à l’école chez Mlle Colin et avait su garder le secret de sa production. Il apprit à lire très facilement à 5 ½ ans, et très bien ; quand je le fis inscrire au collège, pour cette raison on lui fit sauter la classe enfantine, il entra en 6e chez Mlle Hamm, c’est là qu’au milieu d’une leçon, il a crié : Vive la Suisse, bravo ! et a tapé des mains. La maîtresse ne le punit pas, mais vint me le raconter en me conseillant de lui faire doubler la 6e. Nous ne le fîmes pas… En 5e il prit la scarlatine, puis eut de l’albuminerie qui l’épuisa, il n’avait que la peau sur les os…
Mr Bernard dans une visite qu’il nous fit me dit : « Un enfant qui meurt va auprès de Jésus, il n’est pas responsable de ses actes. »
C’est alors que je compris que Dieu pouvait me le reprendre et que je devais le lui consacrer… Il alla mieux et se rétablit. (…)

Un jour que son père devait le conduire à Ste-Croix, par économie n’avait pris le train que jusqu’à Corcelles pour descendre à pied à Auvernier un orage éclata et comme l’heure du train approchait père demanda une aide pour qu’on lui transporte petit Julien, jusqu’à la gare d’Auvernier. On le mit dans un grand sac, l’homme partit en avant, père le suivait. Petit Julien n’était pas très rassuré, souvent il sortait sa tête du sac, afin de s’assurer que son papa le suivait et qu’il n’était pas abandonné comme le petit Poucet. (…)

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