Un sentiment de tristesse

Mandarines et huile de foie de morue

J'ai plutôt un sentiment de tristesse qui me colle à la peau, même si Maman avait garni un petit sapin de bougies et de boules de couleurs; je me souviens surtout des deux oiseaux de verre coloré qui avaient de magnifiques queues brillantes qui bougeaient au moindre mouvement. C'est seulement ce jour-là qu'il y avait des mandarines, elles étaient attachées aux branches pour faire poids.

Au pied de l'arbre, parmi les quelques cadeaux, il y avait celui de mon père: une bouteille emballée dans du papier de soie de la pharmacie, le gris bleuté orné de dessins de toiles d'araignées de couleur bleue plus foncée...

Son cadeau, c'était un litre d'huile de foie de morue!... c'était pour mon bien, car j'étais de santé fragile. Je détestais ça: une cuillerée au repas de midi me donnait des nausées, je devais surtout me retenir de vomir. (...)

Les jours de Fête, Maman cuisait une poule au riz, puis confectionnait un "biscuit neuchâtelois", ça sentait bon dans la cuisine et c'était un régal. On avait droit à du chocolat aussi, offert par tante Vali. Nous n'avions pas de "Bûche de Noël", crémeuse et si tentante dans les vitrines, mais j'allais les lendemains de fêtes chez la fille du boulanger me pourlécher les babines avec les invendus.