Un règlement de ménage

A l’époque où les familles bourgeoises avaient leur bonne…

 

Un règlement de ménage

A l’époque où les familles bourgeoises avaient leur bonne…

Le travail domestique était très répandu naguère au sein des familles aisées. Dans les milieux bourgeois, les femmes ont formé près de 90 % de cette main-d’œuvre depuis le milieu du 19e siècle. La perception du métier a varié, comme les appellations utilisées au fil du temps : servante, bonne, employée de maison, gouvernante, aide ménagère…

A Neuchâtel, il était courant dans la bourgeoisie locale d’avoir un ou plusieurs domestiques. Arrivée pour la première fois au marché de Neuchâtel en 1963, la maraîchère Françoise Christinat, de Chabrey, se souvient : « C’est l’année où je me suis mariée. J’étais très réservée à l’époque et intimidée par les servantes des bourgeois de la place qui voulaient traiter non pas avec moi, mais avec « Monsieur ». Parfois, on allait livrer à domicile. Je me souviens de ces dames qui mangeaient seules au bout de longues tables, pendant que la servante se restaurait à la cuisine… ». (Propos recueillis dans L’Express, 04.08.2015)

Cependant, avec la hausse généralisée du niveau de vie des pays occidentaux durant les années 1950-1970, l’arrivée du confort et les progrès de l’électroménager, le travail domestique va se modifier. Il y aura de moins en moins de domestiques résidant chez leur employeur ou leur employeuse. Les familles aisées feront appel à des femmes de ménage, à des extras, à des jeunes filles au pair... Les personnes âgées ou handicapées auront recours à des aides familiales. Fait marquant : la majorité des employées de maison seront désormais issues de l’immigration.

Les préjugés liés au travail domestique sont nombreux. Cependant, dans bien des cas, les travailleuses ont conscience de la valeur de leur travail et sont attachées à leurs employeurs, avec lesquels elles partagent une réelle intimité tout en étant conscientes de la distance sociale qui les séparent d’eux.

                             

Le document que nous présentons ici nous permet de pénétrer dans le détail des tâches confiées aux travailleuses domestiques, et par là d’entrer dans l’intimité de la sphère privée d’une famille bourgeoise de Neuchâtel durant l’Entre-deux-guerres. Ce règlement de ménage a été rédigé – sans doute dans les années 1920 – par Inès Baillod, née Bourquin (1891-1985). Fille d’une famille de notables chaux-de-fonniers, elle épouse en 1915 un avocat et notaire installé à Neuchâtel, mais venu lui aussi des Montagnes neuchâteloises : Paul Baillod (1886-1950). Le couple habite un bel appartement au Faubourg du Lac 11. Une année avant de se marier, Inès a pris en charge le ménage de son frère Julien Bourquin, pasteur, à la cure de Fenin : elle sait donc tenir un train de maison !

Seul signe de modernité dans ce règlement : l’aspirateur électrique, mis au point au début du 20e siècle et commercialisé par Hoover dès 1908. Dans les années 1920, il s’agit encore d’un bien de luxe – certains l’appellent « l’électro-bonne » – qui se démocratisera après la Seconde Guerre mondiale. On remarque par ailleurs la nécessité de régulièrement brosser et taper les habits : sans doute parce que les chemins étaient plus poussiéreux qu’aujourd’hui, mais aussi parce qu’on lavait moins souvent les vêtements avant l’invention du lave-linge automatique. Autre caractéristique frappante : la maîtresse de maison communique avec sa domestique en agitant une sonnette. A la fin de sa vie, elle l’appellera en pressant avec le pied sur une sonnette électrique. Devenue veuve, Inès Baillod gardera en effet sa bonne jusqu’au moment où elle devra se résoudre à entrer au home de la Source à Bôle. Elle veillera d’ailleurs à ne pas oublier dans son testament ses deux dernières gouvernantes : Rosa Liniger et Marguerite Ott. Toutes deux ont reçu une somme d’argent à chaque Noël, et ceci jusqu’à leur décès.

Ce document est extrait du fonds Jean-Paul Bourquin.

Table des matières

Les tâches quotidiennes

Spécialités de chaque jour

Service de table

Servir à table quand il y a des visites