Une excursion à cheval

La guerre semble bien loin des préoccupations de la jeune Thérèse Hoffmann, tout heureuse de relater sa première excursion à cheval dans la campagne hongroise.

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Comme la famille ne pensait partir qu’une semaine, la princesse n’a pris que très peu de linge avec elle ! C’en est risible. Chaque jour nous faisons de petites lessives et comme nous n’avons pas de fille pour raccommoder, nous nous y attelons chaque jour : J’ai plus à faire qu’à Ainödt, mais j’en suis ravie.
La vieille Tony s’est cassé le fémur à Vienne, le jour avant de partir pour Budapest avec Aglaé ; j’en ai donc la surveillance complète.

***

Il faut maintenant que je vous raconte une chose merveilleuse ! En visitant la métairie avec Lori (il y a plus de 200 vaches), nous sommes arrivées à l’écurie remplie de chevaux merveilleux. De vrais chevaux de cavalerie racés. J’en ai frémi jusqu’à la moelle des os et j’ai pris la résolution de monter à cheval coûte que coûte ! J’en ai parlé à Lori qui a approuvé mais qui m’a avertie que ce n’était pas si facile, et qu’au galop, on tombe toujours les premières fois. Je me suis dit : « Tant pis ! »

La première fois que j’ai vu le prince et Lori partir au trot, je les aurais bien assommés !! Puis j’ai mis Lori dans la combine : je lui ai promis que je ne tomberais pas et que je suivrais tous ses conseils à la lettre. Elle a alors attendu que son père ait diné, et je ne sais ce qu’elle lui a dit ! Je sais seulement qu’il a demandé à sa femme : « Est-ce que je prend Mlle avec nous ? » Elle s’est mise à pousser des hauts cris en disant que ce n’était pas Ainödt avec ses chevaux tranquilles desquels il ne faut même pas tenir les rênes que je pouvais avoir appris ; que j’allais me casser un membre, etc… Lori et moi avons fait des yeux si suppliants que le prince a éclaté de rire et m’a envoyée m’habiller pour monter !!!

Lori m’a prêté des bottes de cuir, et nous sautions de joie ! On m’a donné un petit cheval blanc sur lequel tous les débutants apprennent. Et puis nous sommes partis au pas, le prince, l’intendant, Lori, Karli et moi. Lori avait l’air d’une petite reine sur un grand cheval de chasse noir.

Ici, les routes n’existent pas ; ce sont des voies larges.
Le prince a alors donné l’ordre de partir au trot, ce que je n’avais jamais fait. J’étais secouée comme un pauvre panier à salade et j’avais l’impression que mon cerveau allait me sortir de la tête. J’ai remarqué alors que les autres adoptaient un certain rythme lent en se levant et s’abaissant. J’ai essayé, mais j’ai raté et j’ai recommencé jusqu’à ce que je réussisse. Il fallait (un peu comme au crawl) que je pense à mes pieds, à mes mains et à mon… derrière ! Les étriers doivent êtres assez près de la pointe, les rênes serrées, enfin bref ! tout est venu de soi-même et j’avais une joie ! Nous traversions de grands champs, quant tout à coup le prince me dit : « Nous partons au galop, débrouillez-vous ! » Je n’ai jamais vu rien de plus beau ! Représentez-vous ! Des champs infinis sur lesquels on fend l’air au galop.

Nous avons aussi traversé des forêts dont les arbres sont clairsemés et où l’odeur des fleurs était si forte que c’en était presque enivrant !
… Et tout cela pendant 3h½ de temps !
Je vous quitte et je pense bien bien souvent à vous tous et à la Suisse qui est malgré tout un pays extraordinaire ! Et malgré les chevaux, je me réjouis tant de m’acheter une bicyclette !!
Votre Tinon / c/o Comtesse Cudenhove-Breunner / Zseliz / Bars Megye / Hongrie


PS : J’ai oublié de vous dire que pendant ma grande promenade à cheval, j’ai fait la connaissance des grands bœufs blancs hongrois qui ont de si belles cornes.



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