Extraits

Septembre 1916

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Lettre XXX Les Rasses, le 2 septembre 1916

O Lise ! qu’il me tarde de vous écrire pour vous dire combien je vous aime ! C’est toujours le même mot mais pour moi, il me semble que mon amour est renouvelé. Merci ! Merci ! des lettres que vous m’avez écrites avant et après votre visite. (…) C’est vrai, il y avait une sorte de vernis entre nous qui provenaient, peut-être du fait que nous sentions plus ou moins consciemment que nous n’avions pas le temps et surtout pas l’isolement suffisant pour nous dire tout ce que nous aurions voulu dire. Tant pis ! Cette journée n’était pas pour nous, quoiqu’elle ait été douce ! Et quant à mes parents, ils ont si peu eu l’impression que vous aviez été « froide, presque indifférente » à leur égard que je serais impardonnable de leur présenter vos excuses. (…) En ce moment, passent sur la route deux arlésiennes en costume, avec des poilus. Qu’ils sont heureux ! Je suis sur un pliant dans l’herbe au bord de la route, en plein soleil. Comme l’herbe était humide de rosée, j’ai ôté mes souliers et chaussettes, une de ces arlésiennes en passant devant cet être étrange et sans pudeur a l’air bien étonnée et amusée. C’est une des choses que je ne vous ai peut-être pas dites Lise : j’ignore la pudeur et qui, pis, est volontaire. A Beuzeval, en Normandie, où je suis allé deux étés, tout le monde se baignait et pataugeait sur la même plage et tout le monde trouvait cela naturel, je ne sais pourquoi il en serait tout autrement à la montagne. (…) Lettre sans message ni signature

Lettre XXII Les Mayens, le 2/9/16

Jaques mon ami, Vous ne recevrez pas cette lettre avant lundi soir (…) Ce n’est pas charitable d’envoyer des lettres un samedi. Cela donne du travail aux postiers le Dimanche. ( …) Dimanche matin 10h. Oh, mon bien-aimé ! Il me semble si inutile de parler. Le seul mot qui vaille la peine c’est « Je vous aime » (…) Il est 10h d’un beau matin de Dimanche et je viens de lire 2 chapitres de St.-Jean, l’évangile de l’amour et je sens Christ si près. Oh, ces moments de bonheur où tout semble facile. Peut-être que bientôt il sera passé mais tant pis. Je vous l’écris car je ne puis être heureuse sans vous, Jaques. Plus que huit jours et nons monterons ici ensemble. Oh, comme je me réjouis. (…) Dites-nous si lundi 11 reste possible, afin que je puisse retenir une bonne chambre à la Rosa-Blanche. C’est dommage que ce soit un hôtel mais il est impossible de trouver rien de bien dans les chalets environnants. Et puis ce n’est pas très loin et Maman vous invite pour toute la journée, ici au Chardon Bleu. Que ce sera bon. (…) Je lis en ce moment Anna Karénine. Et je comprends si bien Lévine et Kitty. Ils ont tant de points communs avec nous. J’ai le temps maintenant puisque je ne me présente pas en ocotbre. Maman tient pourtant à ce que je passe cette demi-licence, bien que cela ne me serve de rien puisqu’il me faudrait encore deux ans pour passer ma licence entière. (…)



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